Du pétainisme au gaullisme : Jean Sagette, député du Cantal.
Jean Sagette, député de la seconde circonscription du Cantal est né à Cussac le 05 octobre 1907. Agriculteur, Sagette fait ses premiers pas en politique dans les années trente. Celui que l'on surnommera bientôt le "taureau de la planèze" est politiquement proche des ligues et adhérent du parti agraire. Malgré une campagne dynamique Sagette doit s'incliner aux élections législatives de 1936 face au candidat radical Maurice Montel.
L'occupation ou Sagette le pétainiste
Même si le futur député gaulliste aura toujours à coeur de ne jamais revenir sur la période de l'occupation une fouille des journaux de l'époque permet de situer politiquement le personnage durant cette période trouble. Ainsi le numéro du démocrate de Saint-Flour Murat du 18 janvier 1941 permet d'éclairer l'historien et de lever toutes les ambiguïtés. Dans ce numéro Sagette souhaite au maréchal " qu'une longue et verte vieillesse lui permettent de cueillir les fruits de sa magnifique révolution nationale". Sagette dénonce dans le même article "les pantalonnades des caméléons de la politique" et incite les citoyens à "cracher leur dégoût à la figure de ceux qui sont encore disposés à changer d'idées aussi souvent que de chemise". Ici le doute n'est plus permis le premier député gaulliste du département a donc été un fervent admirateur de Pétain. Après ses débuts politiques proches des ligues le parcours apparaît somme toute comme assez cohérent.
Après guerre Sagette débute son implantation politique dans le Canton de Saint-Flour sud où il est élu sous l'étiquette "candidat paysan dissident" lors des élections cantonales de 1955.
Gaulliste de la première heure ... de la cinquième république
Sagette obtient sans rude bataille l'investiture de l'U.N.R ( parti gaulliste de l'époque) pour les élections législatives de 1958. Ceci témoigne bien de la faible implantation du parti gaulliste aux premières heures de la cinquième république en terre cantalienne. Le parti godillot n'hésite pas longtemps pour donner l'investiture à un ex ligueur et admirateur du Maréchal. Ainsi à l'échelon local, la grandeur de la France et les valeurs de la résistance paraissent être facilement dissoutes pour permettre au parti présidentiel d'exister. Sagette réussit dans cette élection un petit exploit puisqu'il bat au deuxième tour le leader des indépendants paysans Camille Laurens ( lui aussi compromis sous Vichy). Notons qu'au grand regret des communistes la S.F.I.O soutient Sagette au deuxième tour et appelle tous ces électeurs à faire battre Camille Laurens. Comme quoi les trahisons socialistes ne datent pas d'aujourd'hui !!!
Sagette l'ex pétainiste : suppléant du candidat Pompidou :
L'arrivée de Pompidou en terre cantalienne lors des législatives de 1967 permet à Sagette de se maintenir encore pour une courte période sur la scène politique cantalienne. Le premier ministre de de Gaulle facilement élu, Sagette retrouve sa place au Palais Bourbon. Seulement il apparaît après une campagne de dénigrement du C.O.P ( cantal ouvrier et paysan) qu' un ex supporter vichyste suppléant du premier ministre du Général fasse un peu d'ombre et sois dur à assumer pour l'enfant de Montboudif. Pompidou signera d'ailleurs la fin de carrière politique de Sagette en lui préférant Pierre Raynal comme suppléant lors des législatives de 1968.
Ainsi le premier parlementaire gaulliste du Cantal, à l'heure même où le Général organisait depuis Londres la France libre, se plaisait à laisser aller sa plume vantant les mérites de la Révolution nationale et de son chef le maréchal Pétain.
Ce fait historique me rappelle une anecdote personnelle où un membre de l'U.M.P du département certes fortement alcoolisé me glissait à l'oreille, avec un sens de la nuance pointilleux : " tu n'es qu'une vermine stalinienne". Si il me lit aujourd'hui, peut être s'interrogera t-il , au grès de cet exemple de reconversion politique, sur cet héritage glorieux de l'implantation de la droite en terre cantalienne au lendemain de l'occupation.
En effet on a les penseurs qu'on mérite : Nous avons Jaurès, vous avez Maurras, l'intellectuel qui voulait que l'on fusille Blum, mais dans le dos. Vous avez Sardou et "son temps béni des colonies", nous avons Jean Ferrat et Camarade. A l'heure où Jaurès tentait de réanimer l'internationalisme prolétarien pour éviter à l'humanité la grande boucherie de 1914-1918, n'oubliez jamais que vos pères politiques faisaient de lui un traître de plus à abattre.